Situation et accès

Commune: Coyron
Canton: Moirans-en-Montagne
X: 857,27   Y: 173,50   Z: 495m

Contrairement à certaines cavités jurassiennes, la marche d'approche du Gouffre de la Grande Roche n'épuisera pas les spéléos. En effet, l'entrée s'ouvre à 3m de la route D.470 à 1200m de Coyron en direction du Pont de la Pyle. À cet endroit la route s'engage dans une large tranchée. Le gouffre qui s'ouvre au pied de la paroi nord est masqué par un ouvrage de béton surmonté d'une plaque métallique.

gd-rochesBien qu'il soit tentant de se garer aux abords immédiats du gouffre, il est vivement conseillé d'utiliser le petit parking qui domine le lac de Vouglans à 50m de là. Les dangers liés au trafic routier justifient largement cette légère contrainte. De plus ceci permet d'entretenir les bonnes relations entre les spéléos, les services de l'Équipement et la Gendarmerie.

L'ouverture de la plaque qui ferme le gouffre demande un peu d'astuce et d'énergie. Il est indispensable de se munir d'un pied de biche et d'un maillet pour faire pivoter légèrement la plaque avant de la soulever.
Une fois la visite terminée, le gouffre doit être soigneusement refermé. Là aussi, le respect des consignes et des installations sont nécessaires aux bons rapports avec l'administration.

Historique des explorations

Le gouffre fut ouvert au début du mois d'octobre 1992 au hasard des travaux d'élargissement du C.D 470. M.Claudet, conducteurs de travaux de l'Équipement averti aussitôt Pierrot Doubey, son collègue spéléo d'Arinthod afin d'évaluer les risques encourus pour la future chaussée  
Dès le week-end (10/10/92), une équipe du Foyer Rural d'Arinthod se rend à la Grande Roche. L'exploration débute après une purge minutieuse de l'entrée et des paliers déstabilisés par les tirs de mines. Ce jour là, le gouffre est visité jusqu'à -38 après l'équipement des puits de 19, 12 et 4m. La suite est entrevue au-delà d'un passage étroit qui domine une verticale importante. Le lendemain, dimanche 11 octobre, le groupe élargit le passage et explore les puits de 25 et 7m avant d'être arrêté par un plan d'eau siphonnant.  
La semaine suivante (17/10/92), le S.C.S.C qui a eut vent de la découverte visite la cavité et s'intègre bon gré mal gré à l'équipe d'Arinthod. Le 18, une topographie interclubs est levée jusqu'au siphon qui a fortement baissé depuis la veille (cote -66m).  
Le 23 décembre, le niveau a encore baissé, ce qui permet d'explorer un dernier puits de 4m. A sa base s'étend un nouveau plan d'eau qui siphonne quelques mètres plus loin.  
Le 31 décembre, une équipe composite du F.R.A, de l'A.S.S.C et du S.C.S.C achemine du matériel de plongée jusqu'au siphon qui, après une nouvelle baisse de l'eau, se résume à une petite vasque au pied d'une paroi. Malgré toute sa bonne volonté, le plongeur ne réussira qu'à enfiler ses jambes dans le conduit étroit qui se prolonge sous l'eau.
Au mois de mars 1993, une équipe du S.C.S.C trouve le fond du gouffre totalement sec et constate que le boyau terminal est impénétrable au bout de 3 ou 4 mètres (cote -72m).
Participants aux explorations :
Foyer Rural d'Arinthod : L.Bediot, B.Bombois, P.Doubey, N.Corneloup, S.Corneloup, E.Ecarnot, O.Froissard, F.Marichy, S.Michaud, R.Sudan, M.S Thiebaud
S.C.S.C : E.David, L.Duparchy, F.Jacquier, B.Piard, D.Vuaillat.
A.S.S.C : S.Bettembost, J.L Gabet, B.Mischler.  
Tout au long de la phase d'exploration, des contacts ont été maintenus avec les services de l'équipement afin que le gouffre ne soit pas rebouché après son exploration. Pierre Doubey et Laurent Bresson (Président du Comité Départemental de Spéléologie du Jura) obtinrent satisfaction puisque l'entrée fut finalement équipée d'une trappe en ciment offrant à la fois la liberté d'accès et la sécurité des usagers. Par la suite, le caniveau qui aboutit au gouffre fut même détourné de l'autre côté de la route par une canalisation.

Description

gd-rochesDéveloppement : 150m
Dénivellation : -72m

Comme nous l'avons dit plus haut, l'orifice du gouffre est recouvert par un ouvrage en ciment surmonté d'un regard en fonte.Passé l'ouverture circulaire, le visiteur découvre le sommet d'un large méandre qui se prolonge en profondeur. Au pied d'un premier puits de 19m une déclivité ébouleuse poursuit le méandre vers le nord et débouche rapidement sur un enchaînement de deux nouveaux puits de 12 et 4m séparés par une petite plate-forme. A la cote -38m, la progression verticale semble s'interrompre brusquement. La cavité se prolonge toutefois par une haute galerie ascendante faisant face au dernier puits. Gd-rochesCe corridor long de 15m est en fait le prolongement logique du méandre rencontré dès le premier puits. Après quelques mètres dans cette partie remontante, on trouvera un orifice plongeant au pied de la paroi de gauche.  
Bouché en partie lors des premières explorations, ce rétrécissement a donné accès à la suite du gouffre. Après un court étranglement, ce passage débouche au sommet d'un nouveau puits de 32m. Cette belle verticale est en fait fractionnée en deux jets de 25 et 7m séparés par une plate-forme confortable.  
A la base du P.7, une diaclase argileuse se poursuit sur une quinzaine de mètres avant d'aboutir au sommet d'un dernier puits de 4m. La cavité se termine 10m plus loin par un boyau en pleine roche devenant rapidement impénétrable.
Au delà du puits de 7m, cette dernière partie du gouffre est le plus souvent noyée. Les parois recouvertes par l'argile de décantation tranchent nettement avec la zone des puits creusée dans la roche vive.  
En période pluvieuse, un ruisselet naissant dès l'entrée dévale l'ensemble des puits pour disparaître dans le siphon à niveau variable.

Étude hydrogéologique

gd-rochesDès les premières explorations, d'importantes variations du niveau d'eau étaient observées au fond du gouffre sans que la cause en soit imputable aux eaux météoriques. Dans le même temps, la retenue de Vouglans toute proche (300m à vol d'oiseau), connaissait des fluctuations analogues. Cette constatation tendait à prouver l'existence d'une relation directe entre le fond du gouffre et une cavité débouchant sous le niveau du lac. gd-roches
Suite à cette déduction, une expérience de traçage à la fluorescéïne fut envisagée afin de déterminer le lieu exact de réapparition des eaux souterraines. Le vendredi 30 octobre 1992, la coloration pouvait avoir lieu grâce à la conjonction de deux facteurs favorables. D'une part, à cette date, la retenue de Vouglans accusait une baisse de niveau importante (de l'ordre de 15 m), ce qui mit à jour plusieurs sources habituellement noyées. D'autre part, une journée de pluie avait transformé le bas côté de la route en ruisseau. Cet apport d'eau imprévu optimisait considérablement la phase d'injection. A 22 h 30 un kilogramme de fluorescéine était déversé directement dans le caniveau. Une citerne d'eau de mille litres, mise à disposition par les services de l'Équipement d'Orgelet, vint également grossir le débit.gd-roches
Le lendemain, samedi 31 octobre dès 9h du matin, les observations commençaient le long du lac à l'aide d'un Zodiac. L'attente fut de courte durée, car, après quelques minutes de navigation, l'équipe repère le vert caractéristique d'un ruisseau qui se jette dans le lac juste en face de la plage de Surchauffant. Ce cours d'eau d'environ 300 litres par seconde, sourd d'un entonnoir de galets distant d'une cinquantaine de mètres de la rive et 10 mètres plus haut (cote 440m). Cette exsurgence temporaire de six mètres de diamètre pour deux dgd-rochese profondeur avait déjà été repérée par le S.C.S.C dans les années 70, Elle avait d'ailleurs fait l'objet d'une ou deux tentatives de désobstruction restées vaines. Elle constitue en fait le trop-plein de crue d'une source d'éboulis. L'émergence pérenne de vingt litres par seconde environ est noyée habituellement par la retenue. En l'absence de dénomination précise, elle fut appelée arbitrairement : "Exsurgence du Pont de la Pyle" en raison de la proximité de l'ouvrage. Durant le reste de la journée, aucune des principales sources environnantes (Grotte de la Touvière au nord et Source du Moulin de Garde-Chemin au sud) ne fut atteinte par le puissant colorant. La différence importante de débit constatée entre la cavité et la résurgence démontre que le gouffre de la Grande Roche n'est qu'un affluent secondaire venant se greffer sur un collecteur principal.
Ce traçage a ainsi permis, d'une part de lever une partie du voile sur la circulation des eaux souterraines qui drainent cette partie du plateau de Coyron, et, d'autre part de mettre en évidence la relation pressentie entre la cavité et une source habituellement noyée par la retenue.

Contexte géologique

Le gouffre de la Grande Roche s'ouvre sur le prolongement sud du Plateau de Champagnole. Ce secteur est constitué d'une vaste structure tabulaire de calcaire du jurassique supérieur.
L'altitude sensiblement homogène varie de 500 à 600m. Cette unité structurale est traversée du nord au sud par la vallée de l'Ain. La rivière a profondément entaillé les calcaires compacts, séquaniens et rauraciens, pour mettre à jour les marno-calcaires de l'argovien qui constituent la couche de base imperméable. La vallée est actuellement envahie par les eaux de la retenue E.D.F de Vouglans qui, comme on a pu le constater dans le gouffre, ennoie le karst sur un large périmètre. La stratigraphie adopte un pendage faible de l'ordre de 5° et s'abaisse progressivement vers la vallée. Le gouffre traverse successivement les couches karstifiables (séquanien et rauracien) par le biais de ses puits, et vient buter finalement sur les couches argileuses pour devenir rapidement impénétrable. Les eaux s'écoulent ensuite au contact des marnes argoviennes en direction d'un probable collecteur inconnu qui resurgit dans le même niveau stratigraphique sous le niveau du lac.

Intérêt sportif

Du point de vue sportif, le gouffre de la Grande Roche a sa place dans la liste des "classiques" jurassiennes. L'enchaînement des puits et la propreté de la roche lui confèrent un caractère "alpin" digne des scialets du Vercors, toute modestie confondue.
Le ruisselet qui s'écoule dans les puits peut rapidement devenir gênant en période pluvieuse, il faudra alors équiper "hors crue" dans la mesure du possible.  
Du fait des ruissellements, les spits sont souvent bourrés d'argile, il est recommandé de prévoir un nécessaire de nettoyage, fil de fer fin ou même un tarot de ØM8.

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